Il faudrait regarder un travail au moment où il prend forme, observer « comment » il se met en place, pour mieux le comprendre et aussi pour pouvoir en parler. Miryam nous a donné carte blanche et nous la remercions de cette confiance.
Il était hors de question entre nous, de faire de cette présentation un texte convenu où l’éloge en devient l’exercice habituel. Il s’agissait plutôt de dresser les grandes lignes de ce travail obstiné que je vois se préciser dans des choix clairs, autant artistiques que de vie.
C’est important de regarder comment un artiste revient à chaque début de travail à des gestes et à des comportements significatifs. Miryam commence toujours, par poser son œuvre, par l’ancrer solidement, lui donner des véritables fondations. Les bases de ses sculptures sont régulières, géométriques. Cette forme géométrique – l’assise de l’œuvre – se trouve idéalement tracée sur le plan de l’établi. Ce tracé idéal conduit à penser au tracé symbolique, de forme carrée, qui déterminait, chez les étrusques, l’emplacement de la future construction d’une ville.
Sur cette base Miryam érige des couples, des familles. Des formes pleines, solides, parce que leur base est « fondée ».
Elle pose sa base et avec la terre de modelage, accumule des strates, comme dans la fondation d’une demeure solide, qui à son tour est formée par ceux qui l’habitent.
Sur cette terre avec laquelle elle travaille, s’enracinent des corps aux formes dépouillés, unis entre eux par les rythmes des bras et des têtes. Jamais seuls, ils sont les fondations d’une maison idéale, autant humaine, terrestre, que spirituelle.
Dans ce projet, autant de vie qu’artistique, les matériaux sont significatifs. La terre est la terre de notre sol, celle qui nous nourrit et qui nous définit. Le bronze est l’un des matériaux les plus anciens et nous accompagne depuis l’antiquité. Le fer aussi, plié, torsadé jusqu’à former des masses compactes et pourtant aérées.
Le travail de Miryam montre que ce qui est important est de creuser toujours plus, en profondeur, à l’endroit même où l’on est, où l’on vit.
Les vraies découvertes, sont celles qui, comme pour les fouilles archéologiques, ne se livrent qu’après une exploration minutieuse, car « les ‘états de choses’ ne sont rien de plus que des couches qui ne (se) livrent qu’après une exploration méticuleuse. […] Et se frustre du meilleur, celui qui a fait seulement l’inventaire des objets mis à jour et n’est pas capable de montrer dans le sol actuel l’endroit où l’ancien était conservé.1 »
1. W. Benjamin, Fouilles et souvenirs, (Denkbilder Verlag, Frankfurt am Main, 1974-1981), in Images de pensée, trad. J.F.Poirier et J. Lacoste, Paris, Bourgois, coll. Détroits, 1998, p. 181-182.